Paru dans l'édition du dimanche 10 décembre 2006 (ouest france)
10 000 teuffeurs dans un océan de boue à Rennes
La
rave-party en marge des Trans Musicales se poursuivait sur le site de
la Prévalaye, hier après-midi. En dépit des conditions météo et de
l'état du terrain.
Deux teuffeuses littéralement empêtrées dans
un véritable océan de boue. Plus loin, d'autres participants à la rave
qui ont entouré leurs pieds de sacs-poubelle. « J'ai déjà perdu trois
fois mes chaussures dans la boue », sourit Laetitia, la vingtaine, une
habituée des raves venue de Roscoff. Des silhouettes couvertes de terre
se croisent, d'un sound-system à l'autre. Pour stabiliser le terrain
devant les murs de son, on a utilisé des bottes de paille.
Audrey
émerge de quelques heures de sommeil après une nuit de danse. Les yeux
fatigués et la moue dubitative. « Vous avez vu l'état du terrain ? Je
ne suis pas venue pour ça. » Elle regrette aussi la présence de
pseudo-teuffeurs. « Pas venus pour la fête mais pour chercher les coups
ou vendre de la came. C'est pas ça une rave, et c'est eux qui nous
donnent une mauvaise réputation. » Certains appellent leurs amis pour
leur dire de ne pas venir. Mais les voitures continuent d'arriver sur
le site.
Les teuffeurs ne sont pas les seuls à se plaindre. A
l'image de cette infirmière mobilisée sur le teknival. « C'est du vrai
délire. Tout le monde est dans la boue et, cette nuit, la température
va avoisiner 1°C. » Selon les chiffres de la préfecture, samedi à 15 h,
56 personnes, dont des mineurs, ont été prises en charge médicalement.
Trois ont été hospitalisées. Un jeune homme de 19 ans a eu la jambe
écrasée par un tracteur vers 1 h. Il est gravement blessé mais ne
subira pas d'amputation. Une jeune fille a été conduite aux urgences
dans un état psychologique fragile. Elle aurait expliqué au médecin
avoir été victime d'un viol, antérieur à la rave-party. On dénombre
aussi trois hypothermies, 20 intoxications notamment dues à
l'absorption de stupéfiants, 11 plaies et traumatismes divers, dont un
jeune homme soigné au poste médical avancé après avoir reçu un coup de
couteau.
Cela n'a pas entamé l'envie de s'éclater des 10 000
teuffeurs qui, en majorité, apprécient tout de même la fête. Devant les
colonnes d'enceintes, les corps entrent en danse, voire en transe. « Le
teknival, c'est un mini-village où tu croises plein de monde, raconte
Roger Smith. On se sent un peu parqués mais bon, c'est bien que le
mouvement des teufs et l'État marchent main dans la main. C'est cool. »
Pas
forcément « cool » pour tout le monde : les vents, orientés vers la
ville, dans la nuit de vendredi à samedi, ont porté les beats techno
jusqu'au coeur de Rennes et dans les communes voisines. Sur le site de
maville.com, des dizaines de réactions de gens dont le sommeil a été
perturbé par le lancinant martèlement des basses ont été envoyées.
«
On ne peut pas accepter que plus de la moitié de la ville soit en
pleine nuit agressée par le bruit insupportable de la rave qui inonde
leur quartier et envahit leurs logements », s'insurge un Rennais. Très
mauvaise nuit aussi pour les patientes de la maternité de la clinique
de la Sagesse. Beaucoup n'ont pas fermé l'oeil. N'en déplaise à ceux
qui voulaient prolonger la fête jusqu'à lundi, la préfecture a confirmé
la fin du teknival à 14 h ce dimanche.
Aurélie LEMAITRE
Paru dans l'édition du samedi 9 décembre 2006